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La conception et gestion de l'expérience

Dans tous les domaines de la vie — qu’il s’agisse de loisirs, d’éducation, de culture, de relations sociales ou d’achats quotidiens — ce sont nos expériences qui donnent sens à ce que nous vivons.

 

Elles dépassent la simple satisfaction d’un besoin : elles mobilisent nos émotions, nos perceptions et notre mémoire, et influencent la manière dont nous évoluons dans le monde.

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Introduction: L'expérience en général

Inspiré notamment par Antonio Damasio, on sait aujourd’hui que nos désirs et nos émotions jouent un rôle déterminant : nous sommes programmés à rechercher ce qui nous préserve, nous fait progresser (ou nous procure de la joie) et à éviter ce qui nous nuit (ou nous rend tristes).

Cette dynamique repose sur des aspirations invariantes nécessaires à la préservation et au développement de nos capacités fonctionnelles (comme la protection de nos ressources, la recherche de statut social, l’amélioration de nos compétences ou encore la diminution de nos efforts). Sans être strictement hiérarchisés, ces besoins coexistent et s’influencent mutuellement.

Les émotions sont l’expression spontanée de ces besoins et motivations : elles signalent un déséquilibre ou, au contraire, la satisfaction d’une aspiration. Déclenchées par des stimuli internes ou externes, elles jouent un rôle de repère immédiat, nous poussant à agir ou à fuir. Les sentiments, quant à eux, constituent une prise de conscience plus élaborée de ces états affectifs, intégrant notre vécu corporel et nos représentations mentales.

De manière générale, on peut décomposer le processus de l’expérience en quatre moments clés :

  1. L'expérience anticipée
    Avant de vivre une situation, nous développons des représentations ou des préjugés, nourris par les résultats des expériences précédentes, notre imagination ou notre environnement. Ces attentes orientent notre disposition d’esprit et influencent le ressenti à venir.

  2. L'expérience vécue
    Lorsque l’expérience se produit, au fil des interactions avec d'autres personnes et notre environnement, nous ressentons des émotions. C’est le moment où le phénomène prend forme dans le présent.

  3. L'expérience mémorisée
    Après coup, nous conservons de nouveaux apprentissages et des souvenirs plus ou moins concrets. Les pics émotionnels, positifs ou négatifs, marquent particulièrement notre mémoire, de même que le sentiment final et les apprentissages de l’expérience.

  4. Les expériences cumulées
    Au fil du temps, nos multiples vécus s’additionnent et nourrissent un « bagage » expérientiel. C’est ce socle qui oriente nos comportements, nos choix et nos désirs futurs : selon nos expériences passées, nous répéterons ou au contraire éviterons certaines situations. Nous formulerons alors de nouvelles attentes lors de l'anticipation.

 

Cette approche globale montre à quel point l’expérience, dans sa dimension affective et cognitive, est au cœur de nos comportements. Elle éclaire aussi la manière dont, dans n’importe quel contexte (famille, loisirs, interactions sociales, engagements citoyens, etc.), l’expérience peut se concevoir et se façonner : en tenant compte des attentes initiales, de la qualité du vécu, de la force du souvenir et du rôle qu’il jouera dans nos choix ultérieurs.

L'expérience dans le contexte du marketing et des ressources humaines

Il est alors facile de comprendre que l'expérience, tant celle des clients que celle du personnel, est centrale dans le contexte d'une organisation.

Comprendre, concevoir et gérer l'expérience permet de dépasser la satisfaction seule et de développer l'engagement, la fidélité et la recommandation

Il ne faut toutefois jamais oublier que l'expérience d'un individu avec une organisation n'est pas totalement distincte des expériences qu'il vit en dehors de cette organisation.

Comprendre les besoins

Pour comprendre l'expérience, partons d'abord des aspirations invariantes (ou « désirs invariants ») propres à l'humain, et des solutions que nous envisageons pour y répondre – ces solutions se traduisent par des besoins.

Ainsi, si une personne cherche à améliorer son statut social, elle commencera par repérer les critères de reconnaissance dans son groupe d’appartenance (qu’il s’agisse d’objets de luxe, d’érudition, de performances sportives, etc.). Elle formulera alors un besoin concret, par exemple l’envie d’acquérir un certain bien ou de développer une nouvelle compétence. Mais il s’agit là d’une solution parmi d’autres : selon le contexte culturel, l’environnement ou l’état émotionnel, les formes que prend ce besoin peuvent changer.

Ainsi, derrière chaque besoin se cache l’une des aspirations fondamentales de notre espèce. Ces aspirations (telles que la recherche de statut, la préservation des capacités physiques, ou la diminution de l’effort) se concrétisent de manière variable, en fonction des facteurs suivants :

  • L’environnement (par exemple, la météo qui influence la volonté de s’entraîner dehors ou en salle),

  • L’état physique et émotionnel (se sentir fatigué peut inciter à se reposer plutôt qu’à se surpasser),

  • Le groupe social (l’objet de luxe sera valorisé ici, tandis que les connaissances prouveront la réussite ailleurs),

  • Les expériences cumulées (en fonction de souvenirs positifs ou négatifs, on répétera ou évitera certains comportements).
     

Prenons un autre cas : si je souhaite préserver mes capacités physiques, je pourrais choisir un entraînement de course à pied pour développer mon endurance, ou privilégier le repos si je suis malade. Dans l’un comme dans l’autre, je réponds à la même aspiration – maintenir ou améliorer mes facultés – mais je formule des besoins différents en fonction de mon état.

Bref, si nos actions reposent sur des aspirations communes à toute l’humanité, la manière de les traduire en besoins concrets dépend d’une foule de paramètres, depuis nos émotions jusqu’à la culture dans laquelle on évolue.

Concevoir et gérer le rapport efforts/bénéfices de l'expérience

Dans le contexte économique actuel des pays riches, et conformément aux propos de Pine et Gilmore (The Experience Economy, 1999), de nombreux marchés se trouvent saturés. Les solutions pour répondre aux aspirations des individus sont donc multiples, et vos concurrents peuvent être à la fois directs et indirects.

 

Dans cette logique, comme l’expliquent également Chip et Dan Heath (Ces moments qui comptent, 2017), l’expérience se doit de dépasser la seule qualité fonctionnelle d’un produit ou d’un service pour offrir des moments mémorables.

Comme nous l’avons vu, l’individu anticipe les solutions en fonction des bénéfices et des efforts qu’il projette. Deux axes s’ouvrent alors pour concevoir et gérer l’expérience :

  1. Diminuer les efforts perçus
    Qu’il s’agisse du coût monétaire, du temps, de la difficulté d’accès ou encore de la complexité d’utilisation, l’enjeu est de réduire toute forme de friction sur le parcours pour améliorer la satisfaction. This Is Service Design Doing, souligne l’importance de fluidifier et simplifier chaque point de contact.
     

  2. Augmenter les bénéfices perçus
    Pour aller au-delà de ce qui est simplement attendu ou anticipé, il s’agit de dépasser la qualité fonctionnelle du produit ou du service afin de créer, selon Pine et Gilmore, une mise en scène qui suscite l’enthousiasme et la surprise.

    Dans la même veine, Chip et Dan Heath (Ces moments qui comptent, 2017) montrent que les « pics émotionnels » ne se limitent pas à la seule émerveillement : il peut s’agir d’un sentiment de fierté, de dépassement de soi, de forte connexion sociale ou d’élévation face à une réussite.

    En d’autres termes, on cherche à générer un moment particulièrement intense et positif, qui marquera durablement la mémoire.

    Cette valorisation peut se concrétiser par des attentions inattendues, par une forme de reconnaissance de la personne, ou encore par des opportunités de progrès personnel qui excèdent ce qu’elle aurait initialement espéré. L’idée est de magnifier l’expérience au-delà du besoin initial, faisant ainsi ressentir des bénéfices supérieurs à ceux qu’elle anticipait. Un tel décalage positif ancre l’expérience dans un souvenir fort et alimente l’envie de réitérer ou de partager ce vécu.

En équilibrant ces deux axes, on agit simultanément sur la réduction de l’effort et sur la création de moments forts. Cette combinaison rend l’expérience plus fluide et plus riche, renforçant ainsi l’engagement et la satisfaction à long terme.

Le parcours client comme point de départ de la compréhension, la conception et la gestion de l'expérience

Le parcours client est fréquemment décrit comme l’outil fondamental pour comprendre, concevoir et piloter l’expérience (voir, par exemple, Stickdorn et al., This Is Service Design Doing, 2018). Il permet de « cartographier » l’ensemble des étapes qu’une personne traverse au cours de son interaction avec un produit ou un service, y compris celles qui précèdent et suivent la rencontre proprement dite avec l’organisation.

Tenir compte de toutes les étapes

Pour être pertinent, le parcours client doit impérativement intégrer les moments en amont et en aval des interactions directes avec votre organisation. En effet, comme le souligne la démarche de la ‘customer journey map’ dans This Is Service Design Doing (Stickdorn et al., 2018), l’expérience commence bien avant le premier point de contact officiel et se poursuit bien après.

Supposons, par exemple, qu’il pleuve et que je veuille développer mes capacités physiques pour atteindre un idéal corporel valorisé dans mon groupe social. Je décide alors d’aller à la salle de sport. Or, je suis encore au travail, je dois rentrer chez moi, préparer mon sac, puis je crains de me retrouver avec un groupe inhabituel ayant d’autres critères d’appartenance. Ce sont autant d’éléments extérieurs à la seule prestation fournie par la salle de sport (mais qui influent tout de même sur mon ressenti). Et même au sein de la salle, les interactions avec d’autres clients — un point de contact que l’entreprise ne maîtrise qu’en partie — peuvent influer sur la tonalité de l’expérience.

Évaluer l’intensité émotionnelle positive ou négative à chaque étape

Comme l’indique Chip et Dan Heath (Ces moments qui comptent, 2017), il est crucial de tenir compte à la fois des émotions anticipées (positives ou négatives) et de celles réellement ressenties au fil du parcours.

L’outil de « l’arc dramatique », ou courbe des émotions à chaque étape, aide à visualiser comment l’intensité affective varie dans le temps (voir également Kahneman sur la peak-end rule). Bien sûr, cette courbe diffère selon les individus.

Pour gérer cette diversité, on recourt souvent à des personas (voir Alan Cooper, About Face). Chaque persona représente un profil-type d’utilisateur, avec ses propres besoins et émotions probables. En pratique, on crée donc autant de parcours que de personas, chacun présentant un « arc dramatique » spécifique.

Les émotions négatives correspondent à des point de friction, c'est à dire à des moments où l'expérience est déplaisante. Nous chercherons alors à les améliorer. La cartographie du parcours client permettra également d'identifier des moments clés qui offrent des opportunité de créer des pic émotionnels intensément positifs.

S’appuyer sur des données réelles

Enfin, comme pour la création de personas, si vous cartographiez un parcours client, il convient de s’appuyer sur des informations tangibles (entretiens, observations, données d’usage, etc.), et non sur de simples hypothèses.

 

À défaut, vous devrez valider vos suppositions par une recherche exploratoire s’appuyant sur des échantillons représentatifs de chaque persona.

 

Cette démarche garantit que votre conception du parcours ne demeure pas un simple schéma théorique, mais qu’elle reflète et intègre la réalité des personnes qui vivront l’expérience. Elle vous permet, in fine, de repérer précisément les leviers d’amélioration et de définir des actions concrètes (réduction de certains points de friction, mise en scène de moments clés, etc.) pour rendre l’expérience plus fluide et plus enrichissante. Ainsi, le design du parcours s’appuie sur une compréhension fine des vécus, nourrie par des données tangibles, et soutient véritablement l’engagement, la satisfaction et la recommandation à long terme.

Améliorer et gérer l'expérience client

Une fois le parcours client cartographié et les points de friction et les moments clés identifiés. Il sera alors possible de rendre l'expérience plus agréable et positivement mémorable pour augmenter l'engagement, la fidélité et la recommandation.

Conclusion et recommandations

Au regard de ces différents éléments, il apparaît que l’expérience est bien plus qu’une simple interaction isolée : c’est un processus complexe, façonné à la fois par les aspirations profondes de chaque individu (besoins, émotions, motivations) et par le contexte dans lequel il évolue (environnement, groupe social, histoire personnelle). Les organisations qui réussissent à concevoir et à gérer l’expérience en tenant compte de ce double ancrage – interne et externe – parviennent à dépasser la satisfaction immédiate pour instaurer un lien durable avec leurs publics.

Recommandations

  1. Identifier clairement les besoins et aspirations : partez des motivations fondamentales (recherche de statut, conservation des ressources, réduction de l’effort…) et traduisez-les en besoins concrets selon vos segments de clientèle ou vos collaborateurs.

  2. Agir sur la balance efforts/bénéfices : simplifiez l’accès ou l’utilisation (diminution des points de friction) et créez des moments d’intensité émotionnelle (fierté, réussite, surprise, reconnaissance) qui dépassent les attentes initiales.

  3. Mettre en place un parcours client/personnel solide : cartographiez les différentes étapes, du avant au après, en tenant compte des émotions, des contextes et des interactions, y compris celles que vous maîtrisez moins (environnement, influence du groupe).

  4. Valider par la recherche terrain : baser la conception de vos expériences sur des données réelles et non sur des suppositions. Menez des entretiens, des observations, et validez vos hypothèses sur des échantillons représentatifs.

  5. Suivre et optimiser en continu : l’expérience n’est jamais figée ; en écoutant régulièrement les retours, en surveillant l’évolution des besoins et du contexte, vous pouvez ajuster ou améliorer vos dispositifs, tant pour des clients que pour vos collaborateurs.
     

En intégrant ces recommandations, vous poserez les bases d’une expérience réussie et engageante, capable de fidéliser durablement et de susciter un bouche-à-oreille positif. L’expérience devient alors un véritable levier de différenciation et de création de valeur, tant pour l’individu que pour l’organisation.

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